Liberté d’expression : sans abus, point de licenciement pour faute grave

Cour de cassation 27/03/2013

Le fait pour un cadre de critiquer la direction de son entreprise dans une lettre adressée au conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère ne justifie pas un licenciement pour faute grave en l’absence de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs.

Rappelons-le : la jurisprudence considère depuis longtemps que « sauf abus, le salarié jouit dans l’entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d’expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées ».

Ce principe est une nouvelle fois réaffirmé par la Cour de cassation au profit d’un cadre, directeur commercial, licencié pour faute lourde pour avoir adressé une lettre aux membres du conseil d’administration et aux dirigeants de la société mère dénonçant des dysfonctionnements au sein de son entreprise.

 

L’employeur ne dispose pas toujours d’un mois pour notifier un licenciement disciplinaire

Cour de cassation 27/03/2013

Lorsqu’une convention collective prévoit un délai maximum de 10 jours francs entre l’entretien préalable et la notification du licenciement, l’inobservation de ce délai, qui constitue une garantie de fond, prive le licenciement de cause réelle et sérieuse.

Selon le code du travail, la notification de toute sanction (et donc de tout licenciement) disciplinaire doit intervenir dans le mois suivant le jour fixé pour l’entretien préalable. Cependant, il peut arriver qu’une disposition conventionnelle impose un délai plus court. Dans ce cas, l’employeur doit absolument s’y conformer. A défaut, le licenciement est injustifié.

C’est ce qu’a pu constater à ses dépens un employeur ayant pourtant respecté la procédure légale de licenciement disciplinaire : décidant de licencier l’un de ses salariés pour faute grave, il le reçoit en entretien préalable le 29 octobre 2008 et lui notifie la rupture de son contrat de travail le 26 novembre suivant.

Mais c’était sans compter le délai réduit de notification prévu par la convention collective applicable, en l’occurrence celle des entreprises d’architecture. Celle-ci impose en effet, pour toute procédure de licenciement pour motif personnel (disciplinaire ou non), que l’employeur notifie la rupture au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai maximum de 10 jours francs.

Dans quel cas les propos tenus sur Facebook peuvent-ils être qualifiés d’injures publiques ?

Cour de cassation 11/04/2013

Les propos tenus sur le « mur » Facebook du profil privé d’une salariée, accessible à ses seuls « amis » ou « contacts », en nombre très restreint, ne constituent pas des injures publiques.

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur le caractère public ou privé des propos tenus par un salarié sur Facebook.

Dans cette affaire, une entreprise et sa gérante assignent en justice une ancienne salariée en paiement de dommages et intérêts, pour avoir publié sur divers réseaux sociaux accessibles sur Internet, des propos qu’elles qualifient d’injures publiques. Sur le « mur » de son profil Facebook, la salariée préconisait « l’extermination des directrices chieuses ». Des propos analogues avaient été publiés sur MSN.

La cour d’appel de Paris comme la Cour de cassation retiennent que les propos litigieux ne sont pas des injures publiques. En effet, ceux-ci avaient été diffusés sur les comptes ouverts par la salariée, tant sur Facebook que sur MSN, mais n’étaient accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, lesquelles formaient une « communauté d’intérêt ».

Ainsi, un salarié ne peut être poursuivi pour injure publique envers son entreprise si ses propos ont été tenus sur un compte accessible uniquement à ses « amis » ou « contacts ». A l’inverse, l’injure publique aurait pu être retenue si les propos du salarié avaient été tenus sur un profil ouvert à tous.

Cette décision émane non pas de la chambre sociale de la Cour de cassation, mais de la première chambre civile. Quel sera son impact en droit du travail ? Un employeur peut licencier un salarié si celui-ci abuse de sa liberté d’expression sur Facebook. Cet abus se caractérise en droit du travail par des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs dont a eu connaissance l’employeur. Ce n’est pas parce que les propos d’un salarié ne sont pas considérés comme des injures publiques en droit pénal qu’ils ne pourront pas caractériser un abus de la liberté d’expression du salarié pouvant justifier un licenciement.

La rupture conventionnelle prime sur la résiliation judiciaire du contrat

Cour de cassation 10/04/2013

Dès l’instant que le salarié accepte une rupture conventionnelle, la demande de résiliation judiciaire du contrat qu’il a déposée auparavant devient sans objet, sauf s’il conteste la validité de la rupture conventionnelle.

Dès l’instant que le salarié conclut une rupture conventionnelle, il renonce à la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail. Tel est le message de l’arrêt rendu le 10 avril par la Cour de cassation.

Dans cette affaire, le salarié dépose en janvier 2009 une demande en résiliation judiciaire de son contrat ; trois mois plus tard, il conclut une rupture conventionnelle avec son employeur, homologuée par l’administration du travail fin mai 2009.

Pour autant, le salarié maintient sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Pour le conseil de prud’hommes (saisi en mai 2010), cette demande est sans objet en raison de la rupture conventionnelle, dont le salarié n’a demandé l’annulation qu’en décembre 2010, soit plus d’un an après sa conclusion, c’est-à-dire hors délai.

La Cour de cassation approuve : « l’annulation de la rupture conventionnelle n’avait pas été demandée dans le délai prévu par l’article L. 1237-14 du code du travail, la cour d’appel n’avait plus à statuer sur une demande, fût-elle antérieure à cette rupture, en résiliation judiciaire du contrat de travail devenue sans objet « .

Le salarié qui accepte une rupture conventionnelle de son contrat doit donc être conscient que celle-ci annule sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Sauf à renoncer à la rupture conventionnelle dans le délai de 15 jours ou à en contester l’homologation dans le délai d’un an

Refuser de reprendre le travail après une formation non prolongée par l’employeur est une faute grave

Cour de cassation 27/03/2013

Commet une faute grave la salariée qui, malgré deux mises en demeure de son employeur, refuse de revenir travailler à l’issue d’une période de formation professionnelle dont l’employeur n’avait pas accepté la prolongation.

Dans cette affaire, une salariée part en formation, avec l’accord de son employeur, du 4 février au 20 décembre 2002. Elle souhaite la prolongation de son absence pour formation jusqu’en juin 2003, ce que refuse l’employeur. Ce dernier lui demande de reprendre son poste au terme initialement prévu. Devant l’absence persistante de la salariée, l’employeur lui notifie en janvier 2003 deux mises en demeure de reprendre son poste. Devant son refus, l’employeur prononce son licenciement pour faute grave le 17 février 2003.

Pour la salariée, son comportement ne pouvait constituer une faute grave. « Ayant 18 ans d’ancienneté, sans antécédent disciplinaire », elle avait justifié de son absence par la nécessité de poursuivre, pour six mois, la formation professionnelle entreprise avec l’accord de l’employeur. De plus, ce dernier avait, dès le début de la formation, assuré son remplacement.

Pour la Cour de cassation comme pour la Cour d’appel, constitue une faute grave le fait pour une salariée de refuser de reprendre son poste, à l’issue d’une période de formation professionnelle pour laquelle l’employeur n’avait pas consenti à une prolongation et ce, malgré les mises en demeures de l’employeur.

A noter que commet également une faute grave le salarié qui, à l’issue d’un congé formation, n’en sollicite pas la prolongation et s’abstient délibérément de reprendre le travail à la date prévue.

Licenciement disciplinaire : la maladie n’interrompt pas le délai d’un mois entre l’entretien et la notification de la rupture

Cour de cassation 27/02/2013

Un arrêt de travail postérieur à la date de l’entretien préalable n’a pas d’incidence sur le déroulement de la procédure de licenciement disciplinaire. Ce dernier doit être notifié dans le mois suivant l’entretien.

La Cour de cassation vient de juger « que le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable et que ce délai n’est ni suspendu, ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident de travail, une maladie professionnelle ou une maladie non professionnelle du salarié ».

En l’occurrence, la salariée est reçue en entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire le 17 mars. Le 7 avril, elle est victime d’un accident de trajet et se trouve donc en arrêt maladie à compter de cette date et jusqu’au 5 mai suivant. L’employeur lui notifie son licenciement disciplinaire le 14 mai.

Trop tard pour la Cour de cassation ! L’employeur n’avait pas à attendre la fin de l’arrêt de travail de la salariée pour la licencier. Il aurait dû notifier la rupture dans le mois suivant l’entretien préalable, comme l’impose l’article L. 1332-2 du code du travail. Ce délai d’un mois ne peut être, selon les juges, ni suspendu ni interrompu dans une telle hypothèse, qu’elle qu’en soit la cause (accident du travail, maladie professionnelle ou non professionnelle).

En d’autres termes, dès lors que l’accident ou la maladie du salarié intervient après la date de l’entretien préalable à un éventuel licenciement disciplinaire, l’employeur doit notifier la rupture du contrat dans le mois suivant la date de cet entretien. A défaut, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

 

 

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