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Non-assimilation des absences maladie à du temps de travail effectif pour l’acquisition de congés payés : l’État condamné

L’État est condamné pour la première fois à réparer le préjudice subi par un salarié du fait de la non-conformité du code du travail à une directive européenne, en ce qu’il n’assimile pas les absences pour maladie à du temps de travail effectif pour l’acquisition de congés payés.

Tout salarié a droit à 2,5 jours de congés par mois de travail effectif. Le droit à congé payé est donc lié à l’exercice d’un « travail effectif ». Certaines absences sont assimilées à des périodes de travail effectif pour déterminer le nombre de congés auquel le salarié peut prétendre. Ces absences sont énumérées par le code du travail. Sont notamment considérées comme périodes de travail effectif, les périodes, dans la limite d’une durée ininterrompue d’un an, pendant lesquelles l’exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d’accident du travail ou de maladie professionnelle.
Par déduction, les absences ne figurant pas dans cet article ne sont pas assimilés à du temps de travail effectif. C’est le cas de la maladie non professionnelle. Ainsi, lorsque le salarié est absent pour maladie, ce temps n’étant pas assimilé à du temps de travail effectif, il n’acquiert pas de jours de congés pendant cette période.
Pourtant une directive européenne du 4 novembre 2003 sur l’aménagement du temps de travail pose le principe selon lequel tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins 4 semaines pour une période de référence complète, sans distinguer selon l’origine d’éventuelles absences. La jurisprudence communautaire précise que cette directive garantit ainsi à tout salarié un congé annuel d’au moins 4 semaines, même en cas d’absence pour accident de trajet, maladie ou accident non professionnel.
Dans un arrêt du 13 mars 2013, la Cour de cassation applique strictement les dispositions du code du travail et refuse de reconnaître aux dispositions de cette directive un effet direct : le juge ne peut pas écarter les effets d’une disposition de droit national qui lui est contraire. Ainsi, dans la mesure où la maladie non professionnelle n’est pas considérée comme une période de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés par le code du travail, le salarié ne peut pas prétendre au paiement d’une indemnité compensatrice de congés payés au titre de cette période.
Remarque : cette solution n’était pas celle attendue. On pensait effectivement que la Haute cour allait s’aligner sur la position qu’elle avait dégagée au sujet de l’accident de trajet, assimilant ce dernier à du temps de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, opérant ainsi une mise en conformité du droit national avec la jurisprudence communautaire précitée.
… mais  responsabilité de l’État engagée

Si cette directive ne peut pas être invoquée contre l’employeur pour prétendre au paiement d’indemnités de congés payés au titre d’une période non travaillée pour cause de maladie, il reste au salarié la possibilité d’obtenir réparation du préjudice subi en engageant une action en responsabilité contre l’État pour non-transposition de la directive communautaire. C’est aujourd’hui chose faite.

A l’origine des faits, un salarié est en arrêt maladie du 2 avril au 31 octobre 2014, soit 7 mois. En application d’un accord collectif d’entreprise, la période d’arrêt courant du 2 avril au 2 juin 2014, soit 2 mois, a été prise en compte pour le calcul de ses droits à congés payés. Les 5 autres mois d’arrêts maladie n’ayant pas été pris en compte, le salarié demande au tribunal administratif de condamner l’État à l’indemniser des préjudices subis du fait de la non-transposition de la directive du 4 novembre 2003.
Le tribunal lui donne gain de cause. Après avoir rappelé que selon les termes du code du travail, les absences pour maladie d’origine non professionnelle ne sont pas considérées comme périodes de travail effectif pour la détermination du droit à congé et relevé que ces dispositions sont incompatibles avec la directive européenne de 2003 en ce qu’elles font obstacle à ce qu’un salarié bénéficie d’au moins 4 semaines de congé payé au titre d’une année qu’il a passée en toute ou partie en arrêt maladie, le juge administratif développe le raisonnement suivant :
– l’absence de transposition de la directive européenne du 4 novembre 2003 ne peut faire naître aucune obligation à la charge de l’employeur ;
– le salarié ne peut pas, du fait de son arrêt maladie, exiger de l’employeur qu’il porte à 4 semaines la durée de ses congés payés au titre de l’année 2014 ;
– cette réduction des droits à congé à une durée inférieure à 4 semaines lui crée un préjudice dont l’origine est l’absence de transposition de la directive.
En conséquence, le salarié étant dépourvu de toute chance sérieuse d’obtenir le rétablissement de son droit à congé annuel devant le juge judiciaire, il est fondé à engager la responsabilité de l’État du fait de « l’inconventionnalité » du code du travail sur ce sujet.
Il doit donc être indemnisé. Le salarié réclamait une somme équivalente à la perte de ses jours de congés payés, sur 5 mois soit 12, 5 jours (5x 2,5), ainsi que la réparation de son préjudice moral pour privation de repos. Le tribunal lui donne partiellement gain de cause. Il limite la réparation du préjudice à une somme équivalente à 6,5 jours de congés qui lui manquaient du fait de son absence pour maladie pour lui permettre d’arriver, au titre de l’année 2014, au minimum de 4 semaines de congés prévu par la directive européenne. En revanche, le juge administratif refuse de verser au salarié une indemnité au titre du préjudice moral, estimant que celui-ci n’est pas justifié.
Vers une modification du code du travail ?

Quelle est la portée de cette décision ? Il s’agit, certes, d’une décision de première instance susceptible de recours, mais il est fort possible que d’autres salariés placés dans une situation similaire souhaitent également voir engager la responsabilité de l’État.
Reste que le changement ne peut venir que du législateur par une mise en conformité du code du travail. Mais la loi EL Kohmri discutée à partir du 3 mai à l’Assemblée ne prévoit pas cette mise en conformité.

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