Lorsque les bulletins de salaire mentionnent de manière erronée une convention collective, le délai de prescription attaché à des demandes de rappel de prime conventionnelle court à compter du jour où les salariés ont connaissance, de façon certaine, de la convention qui leur est applicable. Par exemple, à l’issue de la procédure judiciaire engagée.

Cour cassation 25/09/2013

Aux termes de l’article 2224 du code civil, la prescription des actions personnelles court « à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer ». La même formule est désormais reprise par l’article L. 3245-1 du code du travail s’agissant de la prescription de l’action en paiement des salaires.

Remarque : rappelons que depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l’emploi, l’action en paiement du salaire se prescrit par 3 ans (au lieu de 5 ans antérieurement).

En cas de litige sur la convention collective applicable dans l’entreprise, le délai de prescription peut-il courir ? A quelle date peut-on considérer que les salariés ont connaissance de leurs droits, déclenchant alors le délai de prescription applicable à une demande de rappel de prime conventionnelle ?

A la date à laquelle ils sont en mesure de connaître le statut collectif dont relève l’entreprise, répond la Cour de cassation. C’est-à-dire, en cas de procédure judiciaire, à la date de la décision définitive de justice.

En l’espèce, 70 salariés ont saisi la juridiction prud’homale d’une demande de rappel de prime sur la base de la convention collective des industries charcutières. Ils estimaient avoir été lésés car la convention collective mentionnée sur leurs bulletins de paie n’était pas celle qui était effectivement applicable compte tenu de l’activité principale de l’entreprise. Cette dernière avait en effet appliqué, depuis les années cinquante, la convention collective de la boucherie du Haut Rhin. Un litige existant donc sur la convention applicable à l’entreprise, des organisations syndicales ont saisi la justice pour voir juger la convention collective des industries charcutières applicable à l’entreprise. Ce n’est qu’une fois cette décision de justice obtenue que les salariés ont réclamé des rappels de prime sur base de cette convention.

Trop tard selon l’employeur qui estimait l’action prescrite. Selon lui en effet, le délai de prescription de 5 ans alors en vigueur avait commencé à courir le 7 avril 2004 (5 ans avant l’introduction des demandes), la connaissance des faits ne supposant pas, estimait-il, que l’intéressé ait eu une connaissance certaine de ses droits, nécessairement encore litigieux.

Ces arguments n’ont convaincu ni la cour d’appel ni la Cour de cassation qui ont retenu comme point de départ du délai de prescription la date de l’arrêt du 5 mai 2009 (date à laquelle la Cour de cassation avait rejeté un premier pourvoi formé par la société contre les arrêts tranchant la question de la convention applicable) qui a mis un terme définitif à la procédure judiciaire.

Pour la Cour de cassation, « attendu qu’ayant constaté que les bulletins de paie délivrés aux salariés mentionnaient une convention collective autre que celle applicable dans l’entreprise et que les salariés n’avaient été en mesure de connaître le statut collectif dont relevait l’entreprise qu’à l’issue de la procédure engagée par un syndicat devant le tribunal de grande instance et au vu des résultats de la mesure d’expertise ordonnée par cette juridiction, la cour d’appel a pu en déduire que le délai de prescription n’avait pas commencé à courir antérieurement ».

Pour les avantages salariaux d’origine conventionnelle, le délai de prescription ne saurait donc courir tant qu’il existe un doute sur la convention collective applicable. Ce n’est qu’une fois ce doute levé, notamment par une décision de justice désignant la convention collective applicable à l’entreprise, que peut se déclencher le délai de prescription.

Un arrêt qui invite une nouvelle fois les employeurs à vérifier la rédaction des bulletins de paie. En particulier la convention collective qui y est mentionnée.

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